Les deux vagues du protestantisme messin
Lorsque l’on examine l’évolution de la communauté protestante à Metz, on constate deux phases en forme d’une vague d’abord ascendante suivie chacune d’un reflux, la première huguenote, la seconde fortement amplifiée par l’annexion allemande, et ces vagues sont séparées par un creux d’un siècle entre 1685 (date de la révocation de l’édit de Nantes, édit qui en 1598 avait autorisé en France le culte protestant) et 1787 (où à le veille de la Révolution est promulgué un édit de tolérance).
La vague huguenote, une cohabitation religieuse mouvementée
On relève la présence d’adeptes de Luther à Metz dès les années 1520 ; deux d’entre eux seront même brûlés vifs dès 1525. Mais il faut attendre 1542 pour que leur nombre s’accroisse sensiblement avec la prédication dans notre ville du réformateur Guillaume Farel (1489-1565), un proche de Calvin.
Vingt ans plus tard, ils seront 10 000, soit la moitié de la population de la ville. Bien qu’en France débutent alors les guerres de religion, la ville libre de Metz, qui vient de passer en 1552 sous la protection du roi (sans être encore incorporé au royaume), ne connait pas de troubles ; mais il faut attendre 1598 et la promulgation de l’édit de Nantes pour que des lieux de culte soient officiellement reconnus.
Débute alors un âge d’or avec une communauté prospère, desservie par quatre pasteurs dont le célèbre Paul Ferry (1591-1669), largement connu dans le royaume et au-delà. Mais dès le milieu du XVIIe siècle le pouvoir royal prend des mesures vexatoires à l’encontre des protestants, bientôt commencent des persécutions et en 1685 l’édit de Nantes est révoqué : certains se convertissent sous la pression mais la majorité brave les interdits et suit le pasteur David Ancillon en exil à Berlin, dont elle contribuera à assurer l’essor. De cette période il ne reste plus guère de trace, tous les lieux de culte ayant été alors détruits.
Sous le régime du Concordat, la liberté retrouvée
Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que réapparaît officiellement, avec le régime du Concordat, une communauté structurée à Metz mais sa croissance est lente, de l’ordre du millier de fidèles sous le Second empire. L’annexion de l’Alsace-Lorraine en 1871 change la donne du fait de l’immigration massive d’Allemands protestants : cinq temples sont construits à Metz, dont le temple de garnison et
le Temple-Neuf, mais aussi des lieux d’œuvres tels l’hôpital des diaconesses (aujourd’hui Belle-Isle), la maison des associations de la rue Mozart dotée d’une salle de spectacle (Foyer Mozart et épicerie solidaire actuels),
une école ménagère (devenue maison de retraite de la Vacquinière) et la Fondation Saint-Jean pour l’enfance en difficulté. Cet héritage est resté au retour à la France en 1919 au départ des Allemands immigrés soit les trois quarts de la communauté protestante d’alors. Metz retrouve ainsi aujourd’hui une population protestante comparable à celle du reste de la France, de l’ordre de 3%.
Le Temple-Neuf, un monument emblématique
Le Temple-Neuf a été construit entre 1900 et 1904 à la pointe de l’ile de la Comédie, sur le site d’un jardin public. Il répond alors aux besoins d’une communauté protestante en pleine expansion du fait d’une immigration importante venue d’Outre-Rhin avec de l’annexion allemande de 1871. L’architecte de la ville, Conrad Wahn, à la demande expresse de l’empereur Guillaume II, s’inspire dans ses plans d’éléments provenant de diverses églises de la vallée moyenne du Rhin.
Par l’austérité grise du grès de sa façade, par son style néo roman rhénan manifestement germanique, il fait contraste avec le classicisme français et le calcaire jaune du reste de la place. Mais vu du Moyen-Pont le polymorphisme des tours couronnées d’ardoise, qui encadrent et dominent le chevet pour émerger de l’écrin de verdure et s’élancer vers le ciel, produit une image particulièrement pittoresque et de fait très photographiée.
De l’extérieur l’identité confessionnelle n’apparait que sur le tympan du portail d’entrée marqué par un agneau mystique, symbole du Vendredi Saint, une fête liturgique majeure en protestantisme. L’intérieur est d’une grande sobriété, conformément à la tradition réformée, du moins au premier regard, car la préoccupation esthétique est loin d’être absente dans les sculptures. Le temple sera inauguré en grande pompe par le couple impérial le 14 mai 1904.