Le protestantisme, pluriel par son histoire

Portrait de Martin Luther, 1543, par Lucas Cranach lâAncien, Wartburg, Eisenach
La Réforme luthérienne, dans les Pays allemands
Le protestantisme naĂźt au dĂ©but du XVIe siĂšcle de la protestation dâun moine, Martin Luther (1483-1546), contre le commerce des indulgences, censĂ©es donner aux pĂ©cheurs lâassurance du salut de leur Ăąme moyennant de lâargent ; en publiant des thĂšses notamment sur ce sujet en 1517, en tant que professeur des Saintes Ăcritures Ă lâUniversitĂ© de Wittenberg (Saxe), il souhaite que sâouvre un dĂ©bat thĂ©ologique acadĂ©mique et il est alors loin de vouloir se sĂ©parer de lâĂglise catholique romaine.
Mais le pape LĂ©on X, craignant de voir son autoritĂ© contestĂ©e et soucieux dâassurer par les ventes dâindulgences le financement de la reconstruction de la basilique Saint-Pierre de Rome, reste sourd Ă toute rĂ©forme de lâĂglise ; en excommuniant Luther en 1521, il le contraint Ă Ă©tablir les fondements dâune Ăglise sĂ©parĂ©e qui va rapidement gagner les pays germaniques et le nord de lâEurope.
Mais cette demande de rĂ©forme fait tache dâhuile et sâĂ©tend dans des territoires dâautres cultures sous des aspects diffĂ©rents.

Portrait de Ulrich Zwingli, Coll. Partic.

Portrait de Jean Calvin, Musée de la Réformation, GenÚve
La Réforme calviniste, en Suisse et en France
Le prĂȘtre Ulrich Zwingli (1484-1531) Ă Zurich, puis, Ă la gĂ©nĂ©ration suivante, Ă GenĂšve, Jean Calvin (1509-1564), originaire de Noyon en Picardie, et juriste dâabord de formation, se sĂ©parent Ă leur tour du catholicisme en marquant les Ăglises quâils fondent de leur propre sensibilitĂ©.
Dâautres rĂ©formateurs vont suivre le mouvement Ă BĂąle, Berne, Strasbourg, NeuchĂątel, MontbĂ©liard⊠pour finir par former en Europe continentale deux courants distincts, le luthĂ©ranisme et le calvinisme (dit aussi rĂ©formĂ©).
La Réforme anglicane
En Angleterre, câest le refus du pape dâannuler le mariage du roi Henri VIII qui provoque la rupture avec Rome, mais dâabord sans rompre avec le dogme catholique, ce qui nâinterviendra que plus tard, aprĂšs la mort du roi, avec lâarrivĂ©e dâun rĂ©formateur originaire de Strasbourg, Martin Bucer (1491-1551). La particularitĂ© de lâanglicanisme est de conjuguer un rite catholique et une thĂ©ologie protestante. En Ecosse John Knox fonde lâEglise presbytĂ©rienne, proche du calvinisme.
Dâautres courants naissent de pratiques particuliĂšres, ainsi les anabaptistes du refus de baptiser les jeunes enfants, les mouvements Ă©vangĂ©liques dâun attachement Ă une lecture littĂ©rale de la BibleâŠ
31 octobre 1517, le tournant de la Réformation
Pourquoi ce jour fait-il date ?

Luther affichant ses thĂšses, par Ferdinand Pauwels, 1872, Wartburg, Eisenach
Tout protestant vous dira que ce jour-lĂ Luther a affichĂ© sur la porte de lâĂ©glise du chĂąteau de Wittenberg 95 thĂšses contre les indulgences. Et de fait toute une imagerie sâest dĂ©veloppĂ©e montrant Luther, marteau en main, planter des clous pour fixer une affiche sur une porte au grand Ă©tonnement des passants
De fait cet Ă©vĂšnement nâest pas certain ; il nâen est fait mention pour la premiĂšre fois que 40 ans plus tard, aprĂšs la mort du RĂ©formateur, par Melanchthon qui nâest arrivĂ© Ă Wittenberg que cinq ans aprĂšs les faits. Ce dont on est sĂ»r par contre, câest que ce jour-lĂ Luther, alors moine dominicain et docteur Ăšs Saintes Ăcritures Ă lâUniversitĂ©, a Ă©crit deux lettres Ă ses supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques, lâune Ă lâĂ©vĂȘque du diocĂšse, lâautre Ă lâarchevĂȘque de Mayence Albert de Brandebourg, pour dĂ©noncer, on dirait aujourdâhui , « lâarnaque » des indulgences : lâĂglise de Rome prĂ©tendait alors assurer le salut des fidĂšles moyennant finances et sans quâun sincĂšre repentir ne soit requis. Luther en effet Ă©tait dĂ©jĂ convaincu par lâĂ©tude, en particulier de lâĂ©pitre aux Romains, que la grĂące seule assurait le salut du pĂ©cheur. LâarchevĂȘque, attachĂ© aux revenus procurĂ©s par le commerce des indulgences, loin de lancer le dĂ©bat thĂ©ologique et universitaire voulu par Luther, le dĂ©nonça Ă Rome comme hĂ©rĂ©tique. Le 10 dĂ©cembre 1520 une bulle papale lui enjoignant de se rĂ©tracter parvint à Luther qui il la brula aussitĂŽt publiquement. Le 3 janvier 1521 il Ă©tait excommuniĂ©.
Alors laquelle de ces trois dates marque effectivement la rupture de la RĂ©formation ? Câest la premiĂšre, le 31 octobre 1517, qui a prĂ©valu.
Pourtant en 1517 Luther nâavait nulle intention de mettre en cause les fondements de lâEglise catholique, simplement, par la publication de ses thĂšses contre les indulgences, dâengager un dĂ©bat sur une pratique qui nâavait jamais fait lâobjet dâune rĂ©flexion thĂ©ologique. En tant que moine augustin, lâascĂšse ne lui avait pas apportĂ© la sĂ©rĂ©nitĂ© Ă laquelle il aspirait ; câest dans lâĂ©tude de lâĂ©pitre aux Romains quâil lâavait trouvĂ©e, en dĂ©couvrant que le salut est offert aux hommes par pure grĂące, non par leurs Ćuvres. Câest ce quâil explique Ă ses supĂ©rieurs dans ses missives du 31 octobre 1517, missives quâil signe pour la premiĂšre fois non par son patronyme Luder, mais en le transformant en « Luther » en sâinspirant dâun mot grec signifiant « libre ». Dans sa propre pensĂ©e le tournant se situe donc bien en 1517. Le mĂ©pris de Rome, la protection de lâElecteur de Saxe soucieux des intĂ©rĂȘts allemands et⊠lâimprimerie qui a aussitĂŽt diffusĂ© les idĂ©es de Luther ont fait le reste.

PremiĂšre reprĂ©sentation imagĂ©e de lâaffichage des thĂšses :
mĂ©daille frappĂ©e Ă lâoccasion du second JubilĂ© de la RĂ©formation en 1717